Tax alert 03 mai 2018

Taxe sur les salaires : nouvel éclairage en matière de sectorisation, d’affectation du personnel et de prorata

Par trois décisions du 19 avril 2018*, la Cour administrative d’appel de Nantes apporte des précisions en matière de taxe sur les salaires, s’agissant (i) de la preuve de la sectorisation, (ii) de la présomption de fonctions transversales des dirigeants et (iii) du traitement des dividendes aux fins du calcul du rapport d’assujettissement.

Sectorisation et justification

Dans la première décision (CAA Nantes, 19 avril 2018, 16NT01807, SA Vallogis), une société assujettie partielle à la TVA demande le remboursement d’une partie de la taxe sur les salaires qu’elle a acquittée en ce que ses activités pouvaient être sectorisées. L’administration fiscale rejette cet argument en estimant que la société n’apportait pas une preuve satisfaisante de la sectorisation.

La Cour administrative a ici estimé que la société, ne produisant qu’un tableau indiquant pour chacun des salariés l’affectation à l’un des secteurs allégués, et qui n’apporte aucune précision et justification sur la nature de ses activités et de ses moyens d’exploitation, ni ne justifie de l’existence d’une comptabilisation distincte, ne démontre pas la sectorisation de ses activités. Il en découle que la sectorisation ne peut être prouvée qu’au moyen d’éléments précis permettant de distinguer des secteurs d’activité, notamment au regard des moyens d’exploitation et des salariés affectés à chaque secteur.

Preuve de l’absence de fonctions transversales des dirigeants

Dans la deuxième décision (CAA Nantes, 19 avril 2018, 16NT02088, SARL HDM), une société holding exerce une activité la soumettant partiellement à TVA et acquitte la taxe sur les salaires pour ses opérations non soumises à TVA. L’administration fiscale a considéré que la rémunération de certains des dirigeants devait être soumise au rapport d’assujettissement à la taxe sur les salaires en application de la présomption générale d’affectation mixte des dirigeants aux secteurs financier et taxable (v. notamment CE, 08 juin 2011, 4 arrêts, n° 331848, n° 331849, n° 341018 et n° 340863, Sofic).

Pour autant, la Cour administrative d’appel commence par rappeler que cette présomption n’est que simple et peut être renversée par la Société en apportant la preuve que les dirigeants n’ont pas d’affectation dans le secteur financier (v. notamment, s’agissant d’un directeur général adjoint, CAA Paris, 21 janvier 2015, N° 14PA02737). Elle ajoute que cette preuve contraire peut être constituée lorsque, compte tenu de l’organisation adoptée, l’un des dirigeants est dépourvu de tout contrôle et responsabilité en la matière.

Impact des dividendes dans le calcul du rapport d’assujettissement

Dans le dernier arrêt (CAA Nantes, 19 avril 2018, 16NT02041, SAS Groupe Monin), une société holding mixte contestait la prise en compte de dividendes (hors-champ de la TVA) au numérateur du rapport d’assujettissement à la taxe sur les salaires. La Cour administrative d’appel, faisant directement application d’un arrêt récent du Conseil d’Etat (CE, 14 février 2018, n°410302, Nord Provence Finances – et sur ce point, v. notre Tax alert : Taxe sur les salaires et holding mixtes : la fin d’un espoir), conclut que les dividendes doivent effectivement être pris en compte au numérateur du rapport d’assujettissement. Cet arrêt constitue ainsi une des premières applications au fond de l’arrêt Nord Provence Finances.

En pratique, ces trois décisions présentent chacune un intérêt :

  1. Il est implicitement rappelé que la sectorisation aux fins de la taxe sur les salaires est de droit (dans ce sens : CE, 28 juillet 1999, n°164100). Néanmoins, la preuve de la sectorisation ne peut pas se limiter à un critère tenant à la participation des salariés à des activités taxables ou non; la société devant apporter des précisions et des justifications sur la nature des activités en cause et les moyens d’exploitation qui y sont alloués.
  2. Une société peut se détacher de la présomption de fonctions transversales des dirigeants, découlant de l’article L.225-56 du Code de commerce, en apportant la preuve qu’il n’y a pas d’affectation mixte, notamment en l’absence de contrôle ou de responsabilité d’un dirigeant à l’égard de la société. En pratique, elle pourra justifier de l’absence d’affectation mixte au moyen d’un contrat de travail, de bulletins de salaires ou encore de délibérations du conseil d’administration (preuve par tout moyen).
  3. Les dividendes doivent définitivement être pris en compte au numérateur du rapport d’assujettissement à la taxe sur les salaires. Cela confirme de nouveau que le rapport d’assujettissement n’est pas le contre-prorata de la TVA.

* A préciser néanmoins qu’en l’état actuel des décisions, rien n’indique que ces arrêts aient fait l’objet d’un pourvoi.