Tax alert 29 septembre 2020

Le PLF rétablit un étalement des plus-values immobilières en cas de sale and lease back … avec une société de crédit-bail !

Le projet de loi de finances pour 2021 (« PLF 2021 ») présenté le 28 septembre lors du Conseil des ministres, prévoit une mesure visant à faciliter le recours aux opérations « sale and lease back ».

L’opération de « sale and lease back » ou « cession-bail » est l’opération par laquelle une société propriétaire et utilisatrice d’un immeuble cède cet actif à un établissement de crédit qui le lui loue immédiatement aux termes d’un contrat de crédit-bail immobilier (« CBI »).

Cette technique de financement permet à l’entreprise cédante de dégager une trésorerie immédiatement disponible en réalisant les plus-values latentes existantes sur ses immeubles, tout en conservant la jouissance de l’immeuble cédé. Par ailleurs, l’option d’achat contenue dans le contrat de crédit-bail garantit au cédant de pouvoir racheter ultérieurement son immeuble à un prix défini contractuellement.

Si ces opérations bénéficient déjà d’un régime de faveur en matière de droits d’enregistrement (bénéfice du taux réduit, en vertu de l’article 1594 F quinquies, H du code général des impôts), la loi ne prévoit (plus) aucun régime de faveur en matière d’impôt sur la plus-value.

Afin de faciliter le refinancement des entreprises affectées par les conséquences de la crise sanitaire, et afin de permettre à ces entreprises de répondre à leurs besoins accrus de trésorerie, le PLF 2021 prévoit de rétablir un dispositif d’étalement de la plus-value de cession d’un immeuble dans le cadre d’une opération de sale and lease back réalisée entre le 28 septembre 2020 et le 31 décembre 2022.  

Le rétablissement du dispositif d’étalement de la plus-value

Lors d’une opération de sale and lease back, la cession de l’immeuble à l’établissement de crédit génère une plus-value imposable chez le cédant. En application des règles de droit commun, et quel que soit le régime fiscal de l’entreprise, le résultat de cession est pris en compte dans son bénéfice imposable et la plus-value de cession de l’immeuble est imposée en intégralité au titre de l’exercice de cession de l’actif au taux de l’impôt sur les sociétés de droit commun.

Afin de faciliter le recours à ces opérations, la mesure présentée dans le cadre du PLF 2021 prévoit un étalement de l’imposition de la plus-value de cession sur la durée du crédit-bail, sans pouvoir excéder 15 ans. Le rétablissement de cette mesure, similaire à celle qui avait été mise en place à la suite de la crise financière de 2008, a pour objectif d’assurer la neutralité fiscale de l’opération pour le cédant, qui réintégrera alors la plus-value au fur et à mesure de la déduction des loyers de crédit-bail.

Un champ d’application restreint

Il convient de noter que toutes les entreprises ne sont pas éligibles au dispositif proposé. Le PLF 2021 prévoit ainsi de limiter le bénéfice de cette mesure aux propriétaires utilisateurs, i.e., les entreprises propriétaires d’immeubles affectés à leur activité commerciale, artisanale, libérale ou agricole.

En particulier, le texte exclut du bénéfice de cette mesure les immeubles affectés par l’entreprise à des activités de gestion de son propre patrimoine. Il exclut ainsi de facto les sociétés foncières dont l’activité est par nature patrimoniale et dont les immeubles seraient ensuite sous-loués par l’entreprise cédante dans le cadre d’une opération de sale and lease back.

Cette restriction du champ d’application du dispositif est pour le moins surprenante dans la mesure où les foncières subissent elles aussi de plein fouet les conséquences néfastes de la crise sanitaire et économique, celle-ci ayant conduit un certain nombre de locataires à ne pas honorer leurs échéances de loyers. On ne peut donc que s’étonner d’une telle restriction du champ d’application de la mesure, qui n’avait pas été introduite dans le dispositif issu de la loi de finances rectificative pour 2009, et qui n’existe pas plus dans le cadre du régime de faveur en matière de droits d’enregistrement.

Par ailleurs, et plus largement, cette mesure ne trouverait à s’appliquer qu’aux opérations de cession au profit d’un établissement de crédit car la cession doit être suivie de la conclusion d’un contrat de CBI. De nombreuses entreprises ont toutefois recours à des opérations de sale and lease back, sans avoir recours au contrat de CBI à la suite de la cession, mais à de simples baux de longue durée. De telles opérations poursuivent les mêmes objectifs que celles d’une opération de sale and lease back au profit d’un établissement de crédit (i.e., besoin de trésorerie immédiate, tout en conservant la jouissance de l’immeuble), mais ne bénéficient néanmoins d’aucune mesure de faveur.

Cette mesure est bienvenue dans le cadre de la crise actuelle car elle permettra à certaines entreprises, propriétaires de leur immobilier, de le refinancer afin de dégager des liquidités qui pourront être réinjectées dans l’activité opérationnelle ou servir à leur désendettement. Ceci est d’autant plus pertinent que les prix de l’immobilier sont plutôt élevés et les plus-values potentiellement significatives. Le débat risque de s’engager d’ailleurs sur la juste valeur à refinancer. A ce titre, on peut regretter, mais ce sera certainement le jeu des amendements à ce projet, que cette mesure soit réservée au sale and lease back avec des sociétés de crédit-bail car ce type d’opération est aussi très recherché par les investisseurs immobiliers, qu’ils soient cotés ou privés comme les fonds d’investissement (SCPI, OPCI etc). Son élargissement permettrait aux propriétaires immobiliers de faire jouer la concurrence avec un panel plus large d’acquéreurs pour fixer le prix de cession le plus attractif.

L’équipe Immobilière d’Arsene