Tax alert 17 janvier 2023

Exonération de retenue à la source sur les distributions de dividendes vers l’étranger : tout n’est pas perdu pour les sociétés holdings

La décision de la Cour suprême danoise du 9 janvier 2023[1] est venue entériner la possibilité d’appliquer la convention fiscale entre le pays de la source d’un revenu et le pays du bénéficiaire effectif (versus le pays du bénéficiaire apparent) en vue de l’exonération de retenue à la source. Ce moyen de défense en cas de contrôle avait déjà prospéré devant le Conseil d’Etat dans l’arrêt « Planet » du 20 mai 2022[2].

Dans ce contexte, la décision du 7 décembre 2022 « Foncière Vélizy Rose »[3] de la Cour administrative d’appel de Paris apparaît comme une occasion manquée pour le contribuable. Cet arrêt présente toutefois l’intérêt d’illustrer l’application de la clause de « bénéficiaire effectif » à la structuration d’un investissement immobilier français via une chaîne de détention de deux holdings luxembourgeoises.

Des investisseurs avaient constitué une holding luxembourgeoise en vue de l’investissement dans la société Foncière Vélizy Rose (la société française propriétaire de l’immeuble et distributrice des dividendes litigieux). Cette holding remplissait l’objectif opérationnel de création d’une joint-venture d’un groupe d’investisseurs réunis par un pacte d’actionnaires, tout en prémunissant les actionnaires des risques liés à une faillite. Les titres de cette première holding avaient été par la suite réunis au niveau d’une holding luxembourgeoise de tête (« Master holding »), concomitamment à la mise en place d’un contrat de fiducie liant la Master holding aux autres investisseurs.

La Cour de Paris confirmant l’approche de l’administration a refusé l’exonération de retenue à la source issue de la Directive européenne mère-fille et la Convention fiscale franco-luxembourgeoise sur les dividendes versés par Foncière Vélizy Rose à la holding luxembourgeoise actionnaire entre 2013 et 2015 au motif que cette dernière n’était qu’un bénéficiaire apparent des revenus. Faisant fi des arguments avancés par le contribuable concernant le niveau de substance des deux holdings luxembourgeoises, la Cour a précisé que le seul fait qu’une société agisse comme un simple « relais » ne peut permettre de la considérer comme le « bénéficiaire effectif » des dividendes. Au cas particulier, les dividendes distribués par la société Foncière Vélizy Rose au profit de son actionnaire luxembourgeois avaient été redistribués, le lendemain, en intégralité, à la Master Holding…

Le caractère implacable de la clause de bénéficiaire effectif, indépendante, dans sa formulation, de la notion de substance ou d’abus de droit s’illustre ici dans la lignée de précédentes décisions jurisprudentielles (CAA de Versailles, 27 mai 2021, n°19VE00090 Alphatrad, dans le contexte d’une holding patrimoniale ou encore CE, 5 fév. 2021, n° 430594 et 432845, min. c/ Performing Rights Society dans le cas de redevances versées par la SACEM).

Aujourd’hui, dans un tel cas, les justiciables en cours de contrôle ou de contentieux ne devront pas manquer de demander au juge l’application de la jurisprudence « Planet » (lorsque cela sera avantageux). Il s’agira d’invoquer la réduction de retenue à la source issue de la convention fiscale applicable entre l’Etat de la société distributrice et l’Etat du « véritable » bénéficiaire du dividende (potentiellement un actionnaire final de la chaîne de détention), si une telle réduction est effectivement applicable.

Les opérateurs en phase de structuration de leurs investissements pourront, eux, être encouragés à analyser des scénarios alternatifs d’acquisition faisant appel à des véhicules français hors du champ d’application des retenues à la source.

Equipe Immobilier

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[1] Cour Suprême du Danemark,9 janvier 2023, n°69/2021, 79/2021 et 70/2021, Denmark vs NetApp Denmark ApS and TDC A/S par suite de la décision CJUE (grande chambre) du 26 février 2019, Skatteministeriet contre T Danmark et Y Denmark Aps Affaires jointes C-116/16 et C-117/16

[2] Conseil d’Etat, 20 mai 2022, n° 444451, Sté Planet.

[3] Cour administrative d’appel de Paris, 7 décembre 2022, n° 21PA05986.